Non, le romantisme, c’est pas ‘cute’: Karoline von Günderode

Hölderlin, Attila Joszef et maintenant Günderode. Leur point commun, outre d’êtres poètes, est d’avoir mis fin à leur vie. Mais pour Günderode comme pour Hölderlin, le suicide était presque de rigueur à leur époque. Siècle de la mélancolie, Sturm and Drang, effet Werther….

C’est à se demander par quel sortilège le romantisme en est venu à signifier un dîner aux chandelles.

Une poète de son temps

En tout cas, Karoline von Günderode a lu Hölderlin et Goethe. Goethe a lu Günderode, il s’est même promené dans le village où elle a vécu. Les romantiques se promènent beaucoup, c’est bon pour leur digestion ou pour leurs rêveries mélancoliques, qui sait.

Günderode est vraiment une poète de son temps. Exaltation des sentiments, mélancolie, fascination pour l’ésotérisme (ce savoir secret auquel seules quelques personnes sont initiées), songes, nature… Tout y est.

Un recueil compromettant

Le poème A Creuzer, lu par Myriam, est dédié à Georg Friedrich Creuzer, son amant. Ce dernier lui avait promis de quitter son épouse mais il s’est finalement réconcilié avec elle. En rompant avec Günderode, il s’est évité un scandale qui aurait nui à sa carrière. Creuzer venait d’atteindre une position importante dans le monde universitaire, et ses travaux sur l’archéologie allaient devenir célèbres dans toute l’Europe.

Par amis interposés, il met fin à sa relation avec Karoline Von Günderode, qui achevait son deuxième recueil de poésie. Apprenant la nouvelle, Günderode se suicide. Creuzer a réussi à empêcher la parution de ce recueil qui lui était largement consacré. Il ne paraîtra que 100 ans plus tard.

Myriam, lectrice du poème

A Creuzer, un poème de Karoline von Günderode lu en français et en allemand par Myriam pendant une réception de mariage pour Projet Orphée.

Ma lectrice s’appelle Myriam, c’est une grande voyageuse. Sa curiosité et son esprit d’aventure font d’elle une candidate idéale pour le Projet Orphée, en plus d’être franco-allemande (mère allemande, père français).

Myriam assistait à un mariage d’amis communs, j’en ai donc profité pour lui demander de me lire des poèmes dans en allemand. Ce qui m’a frappée pendant la lecture, c’est sa combinaison d’enthousiasme et de déférence pour la poésie. J’espère que ça s’entend.

Quelques notes de lecture

Karoline von Günderode aime le rouge. Beaucoup. On retrouve plein d’occurrences des mots rouge et rougir dans le recueil. Le titre de l’anthologie (ce sont ses œuvres complètes) est donc bien choisi.

Point #vocabulaire

Décidément, mon vocabulaire s’enrichit avec la poésie. Apres diapré, repéré chez Hofmannsthal et Attila Jozsef, voici érebique :  » Ce lien se nomme Amour, lequel en Jour m’a nouée / A la nuit érébique (erebische Nacht), et a uni la Mort à la Vie » extrait du poème Les liens de l’Amour, p.45.

En cherchant la définition de ce mot, j’apprend :

Qu’il « n’est pas valide au scrabble » comme l’indique 1mot.fr, site d’information sur les mots valides au scrabble.

Que c’est un adjectif dérivé d’Erebe, du dieu grec des ténèbres des enfers, sa femme, forcément, c’est Nix, la nuit. Leurs enfants sont, esprit de contradiction oblige,  la lumière (Hemera) et le ciel (Ether), mais attention , la partie supérieure du ciel où l’air est plus pur, et respiré par les dieux.

Ésotérisme

L’adepte (der adept, p.35) Comme tout le 19 siècle après elle, von Gunderode n’échappe pas à la fascination pour l’ésotérisme (un contrecoup des Lumières ?), ce savoir secret où seuls quelques happy few sont initiés, de préférence rosecrucistes ou théosophes.

On remarquera que l’ésotérisme revu par la littérature au 19e a d’abord été plus porté sur la philosophie et la spiritualité, tandis qu’au 20-21e, il est plus vénal (à la poursuite de trésors cachés, celui de Salomon, des nazis, des Romanov, etc.) et paranoïaque  (sociétés secrètes, le plus souvent franc-maçonne, illuminati ou opus dei, dont le hobby consiste à fomenter complot sur complot et dominer le monde). Ou comment on passe de William Blake à Dan Brown. Mais je digresse.

Exaltation

Amours impossibles, grande souffrance morale. On ne souffre jamais d’arthrite ou de calculs rénaux chez les romantiques, mais d’ââmour, qui se termine invariablement en suicide.

la blessure des cœurs aime se draper de la nuit des tombeaux

Ariane à Naxos (p.61) dans le recueil Rouge Vif. Karoline von Günderode

Le prochain qui me parle de « faire quelque chose de romantique », j’appelle S.O.S suicide.

couv Karoline von Gunderode
Rouge vif. Karoline von Günderode. Poésies complètes traduites de l’allemand et présentées par Olivier Apert. Orphée, La différence, 1992.